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Pièce nº Rey17701225

Type Lettre
Identifiant Rey17701225
Date de composition 1770-12-25
Certitude sur la date haute
Date de réception /
Expéditeur Rey, Marc Michel
Destinataire Rousseau, Pierre
Lieu d'envoi Amsterdam
Lieu de réception Bouillon
Adresse /
Lieu de conservation Liège, Bibliothèques de l’Université
Cote Fonds Weissenbruch, Farde 21.1
Cote (copie) /
Imprimé /
Edition /
Autographe oui
Signature oui
Renvois /
Incipit Monsieur, vient de me faire la proposition sur la quelle
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Amsterdam, 25 décembre 1770

Mr Panckoucke, Monsieur, vient de me faire la proposition sur la quelle vous avés eu la bonté de me prevenir, de faire l’acquisition d’un sixieme à L’Encyclopedie 1 moyennant 50.000 livres, je lui ay répondu que j’y acquiescois volontier2, mais qu’il me falloit auparavant un tableau dans le quel se trouve cet ouvrage, de ce qu’il y a de fait, de ce qu’il reste a faire, etc. de l’ordre des payements pour l’execution du reste afin de n’etre pas arrêté en chemin, il y a tant d’objets, Monsieur, a envisager dans une pareille entreprise qu’il vous sera plus facile de vous les representer par vous meme que de vous les détailler.

La vray cause de la presente, Monsieur, est qu’ayant eu occasion de connoître votre droiture, votre franchise et votre bon cœur a l’occasion de mon fils3, je ne crois pas devoir vous faire, un mistere de ce que je pense a ce sujet, vous m’en dirés votre sentiment en suite ; je crois dailleur vous marquer par cette conduite que je ne suis pas indigne de votre une phrase illisible a [2]

Je regarde Mr Panckoucke comme un honnêt homme ; mais il se trouve dans une pausition a pouvoir être culbutés, de pareilles entreprises a celles qu’il fait doivent de nécessité l’avoir mis dans des engagemens très considerables4.

Mr Cramer 5 excellent homme, tout cœur, mais je ne lui crois pas beaucoup de facultés et il n’aime point le travail. J’ay connu les vieux Mesrs Detournes 6, je ne connois presque pas ceux d’aujourd’huy, je n’en ay rien a dire par conséquent. Voilà les intéressés, si malheureusement un vient a manquer a ses engagemens, sa portion retombe de nécessité sur les autres.

Je propose à Mr Panckoucke une entrevue chez vous en fevrier ou mars prochain ; un de ces Mesrs de Geneve peut y venir, Mr Panckoucke avec les papiers nécessaires, je m’y rendrois et en peu de jours nous pouvons faire bien de la besongue arrêter nos faits afin de s’y conformer exactement.

Quand j’aurai pris des engagements pour 50 mille livre il me une phrase illisible b [3]

Quand une fois l’affaire sera en train, il n’est plus tems de réflechir mais de faire chemin. Si je prends des engagemens je suis très descidé a les tenir et je ne prendrai que ceux que je pourrai éfectuer. Je n’ay pas envie non plus de détruire en un coups, le travail de 30 années7 et de mettre une famille a la mandicité, toutes ces considerations m’obligent a prendre garde aux engagemens que je prendrai. Je crois l’entreprise très bonne, mais elle est si considerable qu’il faut y réflechir. On ne doit pas s’attendre a placer cette edition par les souscriptions, accause de l’edition d’Yverdon8 qui lui fait un grand tort et qui lui en auroit peu fait si les 3 premiers volumes avoient été publiés en leur tems9.

Voila, Monsieur, ce que j’ay cru devoir vous mander et sur quoi je vous prie de me dire sincerement ce que vous pensés.

J’ay un beau fond, je n’ay point de dettes, je ne connois pas heureusement cette methode de payer des interêts c, mais je ne suis pas en espèces, ce qui fait une phrase illisible d [4]

Vous devés avoir receu, Monsieur, les volumes du Journal des Scavans jusques a Décembre 177010, en attendant la suite je vous ferai parvenir quelques nouveautés par la même voye.

Ma femme et moi vous réiterons nos civilités, notre ainé après la fievre est allé voir la fille, s’en est mal trouvé et se trouve aujourd’huy assé bien de corps et d’esprit. J’espere que ces malheurs le feront perséverer dans les dispositions ou il est de s’occuper sérieusement cela va assé bien depuis quelque tems.

J’ai l’honneur d’etre bien véritablement / Monsieur / votre très humble / et très obéissant serviteur

Rey

Le 25 Décembre 1770.

Notes sur le manuscrit

a Manuscrit déchiré : une phrase illisible en bas de page.

b Manuscrit déchiré : une phrase illisible en bas de page.

c Manuscrit déchiré : mots restitués d’après le contexte.

d Manuscrit déchiré : une phrase illisible en bas de page.

Notes

1 Charles Joseph Panckoucke a, dès 1768, le projet de publier une révision profonde de l’Encyclopédie avec l’aide de Voltaire, en association avec le libraire parisien Desaint et le papetier Chauchat. Sur ce projet, voir la lettre de Desaint à Rey du 18 février 1769 (Rey17690218). Panckoucke a envoyé à Rey les Projets pour publication dans le Journal des savants de Hollande (Rey17690831) et Rey est prêt à transmettre les bons de souscriptions aux libraires. Panckoucke n’obtient finalement qu’une permission de réimprimer l’ouvrage, mais les trois premiers volumes sont saisis au début de l’année 1770. Comme Panckoucke l’explique à Rey dans la lettre du 26 octobre 1770, il se tourne alors vers l’étranger pour poursuivre cette réimpression. En juin 1770, il s’est accordé avec les libraires Cramer et de Tournes à Genève. Mais des difficultés du « clergé » genevois le poussent à se tourner vers Rey. Il propose à ce dernier de reprendre les 2 / 6e détenus par les libraires Cramer et de Tournes et lui vante une association avec les libraires Arkstée et Merkus si cette part est trop considérable (Rey17701026).

2 Cette lettre est manquante.

3 Dans une lettre de Pierre Rousseau à Rey en date du 21 octobre 1769, on apprend qu’Isaac Rey, fils de Marc Michel, a trouvé refuge chez Pierre Rousseau à Bouillon après s’être mal conduit : « il restera chés moi, jusqu'à ce qu’il soit rentré en grace auprès de vous » (Rey17691021). Isaac Rey reste un mois chez Pierre Rousseau, « reçu comme un parent, comme ce que vous aviés de plus cher » (Rey17691227).

4 Outre le projet de refonte puis de réimpression de l’Encylopédie et celui des Suppléments, Panckoucke est alors à la tête d’un véritable empire journalistique et de vastes entreprises éditoriales, comme celle du Grand Vocabulaire français en 30 volumes (1767-1774). Voir Suzanne Tucoo-Chala, Charles-Joseph Panckoucke et la librairie française 1736-1798 (Pau et Paris, Editions Marrimpouey Jeune et Librairie Jean Touzot, 1977).

5 Gabriel Cramer (1723-1793) libraire à Genève travaille en association avec son frère Philibert Cramer (1727-1779) jusqu’en 1765, puis continue d'utiliser la raison "Frères Cramer" jusqu'en 1781. Il est l’éditeur de la plupart des œuvres de Voltaire pendant son séjour à Genève et l’un des plus importants libraires d’Europe. 

6 La généalogie de la famille de Tournes, célèbre famille de libraires genevois, est complexe mais pour la période qui nous intéresse, on peut supposer que Rey évoque Jean Jacques de Tournes (1692-1761) puis Samuel II de Tournes (1731-1807) et ses associés.

7 Les premiers ouvrages portant la marque de Marc Michel Rey ont paru en 1746 : Pensées de Cicéron, traduites pour servir à l’Education de la jeunesse, par Mr. l’abbé d’Olivet (Amsterdam, Chez Marc Michel Rey, 1746, 12°). La première lettre connue faisant mention de son métier de libraire date de 1745 (voir Lettre Rey17451203) : cela fait 25 ans et non 30 ans que Rey a commencé son commerce de libraire à Amsterdam.

8 En février 1769, Fortunato Bartolomeo de Felice (1723-1789) projette lui aussi une édition révisée de l’Encyclopédie. Le Prospectus paraît en avril 1769 dans le Journal helvétique. Dans une lettre du 14 avril 1769 à Charles Panckoucke, de Felice se targue d’avoir déjà « plus de 3.000 souscriptions assurées par le déboursement du premier volume » (citée par Léonard Burnand, « La Correspondance de F.-B. De Felice : une source pour l’étude des transferts culturels dans l’Europe des Lumières », RDE, 49, 2014, p. 117). Panckoucke essaye de discréditer le projet dans les journaux, stratégie qui laisse Rey assez sceptique, comme en témoigne la lettre du 31 août 1769 à Panckoucke (Rey17690831) dans laquelle il accepte toutefois de publier les Avis de souscription de l’Encyclopédie in-folio dans le Journal des savants de Hollande (voir le Journal des Savant s (Hollande), octobre 1769, p.275-283). Le premier volume de l’Encyclopédie d’Yverdon paraît en septembre 1770, le deuxième en décembre 1770.

9 Les trois premiers volumes de la réimpression de l’Encyclopédie ont été saisis au début de l’année 1770.

10 Rey imprime une édition hollandaise du Journal des Savants depuis septembre 1749. En 1770, il est combiné à « des extraits des meilleurs journaux de France et d’Angleterre ».