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Pièce nº Rey17730810

Type Lettre
Identifiant Rey17730810
Date de composition 1773-08-10
Certitude sur la date haute
Date de réception /
Expéditeur Éon, Charles de Beaumont d’
Destinataire Rey, Marc Michel
Lieu d'envoi Londres
Lieu de réception Amsterdam
Adresse /
Lieu de conservation Tonnerre, Médiathèque Ernest Cœurderoy
Cote T26
Cote (copie) /
Imprimé /
Edition /
Autographe oui
Signature oui
Renvois /
Incipit Extrait de la lettre de l’auteur
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Extrait de la lettre de l'auteur à l'imprimeur en date de Londres le 10  7bre 1773  aoust 1773.

Il ma été impossible Monsieur de remplir le champ trop vaste et impartial que  je m'étois pour ainsi dire imposé par paroissoit promettre a mon discours preliminaires1.Des parens des amis de  Paris 30 ans* b M Mr. le Duc de Praslin2 et de Nivernais 3 m'en ont fait sentir les inconvenients et même le danger. Je ne veux point me fermer la porte de la France4 par l'envie de plaire au public qui en général est aussi indifferent sur le zêle des patriotes que sur leur infortune qui en est pour l'ordinaire la seule recompense5.

Notes sur le manuscrit

a Ecrit au-dessus de la ligne.

b Ecrit au-dessus de la ligne.

Notes

1 Ce discours préliminaire figure aux pages 7 à 36 du tome premier des Loisirs et suit l’épitre dédicatoire à Etienne-François, duc de Choiseul. Il annonce le contenu de l’ouvrage : « Le titre annonce suffisament que c'est une union de matériaux sur toutes sortes d'objets concernant l'administration publique, rassemblés à la hâte pendant le cours de mes voyages et de mes occupations politiques, que j'ai tâché de mettre en œuvre avec le plus de soin que j'ai pu pendant mes loisirs souvent fort agités en Angleterre. », Loisirs, t. 1, p.12. Éon poursuit : « Mon dessein n'est pas de m'astreindre à traiter à fonds ni dans un ordre méthodique toutes les matières diverses que le titre de l'ouvrage annonce », Loisirs, t. 1, p.14 mais « Le but que je me suis proposé étant moins de me donner dans le monde pour un auteur, que pour un homme utile au public, je n'ai fait aucune difficulté de m'approprier ce qui m'a paru le mieux convenir à mon sujet dans les divers ouvrages que j'ai lus.», Loisirs, t. 1, p.14. Très critique envers les ministres qui ne l’ont pas soutenu dans sa querelle contre Guerchy, Éon écrit, « Dans l’impossibilité où des ministres préoccupés m'ont mis d’être aussi utile que je l'aurois désiré à mon roi et à ma patrie, je me console en instituant en quelque sorte le public héritier et légataire de mes richesses littéraires et politiques. » Loisirs, t. 1, p.12. Il poursuit : « Je ne profiterai donc point de la facilité que j'aurois à prouver que, depuis plus de huit cents ans, dans un grand état voisin de celui où j'écris, les ministres ont la plupart travaillé successivement, sans le vouloir, à ruiner cet empire, […] »  Loisirs, t.1, p.17, « …un ministre, pour peu qu'il ait le sens commun, paroîtra toujours un grand homme, et d'autant plus grand qu'il ne travaille qu'avec des inférieurs […] Un génie médiocre a du bonheur, et il devient un ministre puissant » Loisirs, t. 1, p.22. Et enfin il assène « Combien ai-je vu de ces ministres fortunés qui n'exposoient à la surprise de ceux qui les approchoient qu'un esprit semblable aux cornes des chèvres de mon pays qui font petites dures et tordues ! » (p.23).

2 César Gabriel de Choiseul-Chevigny, marquis de Choiseul, puis duc de Praslin (1712-1785). De 1758 à 1760, il est ambassadeur de France à Vienne, en remplacement de son cousin Étienne François de Choiseul, lorsque celui-ci est appelé au ministère des Affaires étrangères. Il est nommé à son tour ministre des Affaires étrangères, le 13 octobre 1761, pour une durée de 6 ans. Il négocie et signe, de concert avec son cousin, le traité de Paris de 1763 par lequel se termine la guerre de Sept Ans. En 1763, le chevalier d’Éon, nommé « résident » puis « ministre plénipotentaire » de l’ambassade à Londres, assure l’intérim après le départ de Nivernais et l’arrivée du nouvel ambassadeur, le comte de Guerchy. Éon conduit alors deux missions : l’une officielle, où il est en contact direct avec le duc de Praslin, et l’autre secrète où il est en relation avec le Roi, par le canal du comte de Broglie et de Tercier. Éon mène alors grand train à l’ambasssade (il a 22 domestiques), reçoit dans des réceptions somptueuses les grands noms de l’aristocratie anglaise et les personnes illustres de passage à Londres, accumule les dettes et réclame des fonds au duc de Praslin. Celui-ci décide alors de le déchoir de son titre de « ministre plénipotentiaire » et de le rappeler à Paris. Éon refuse et Praslin demande au gouvernement britannique l’extradition de Éon. Cette demande présentée aux ministres et au conseil du roi est rejetée à l’unanimité. Le chevalier reste à Londres mais les persécutions de Guerchy et de Praslin continuent. La guerre des libelles peut commencer, guerre à laquelle Éon réplique en faisant paraître, Lettres, mémoires et négociations particulières du Chevalier d'Éon, Ministre Plénipotentiaire de France auprès du Roi de la Grande Bretagne ; avec M.M. les ducs de Praslin, de Nivernois, de Sainte-Foy etc....imprimé chez l’auteur aux dépens du corps diplomatique (Londres, James Dixwell, 1764, 8° et 4°). L’ouvrage est divisé en 3 parties, dont la première constitue un violent réquisitoire contre le comte de Guerchy, étayé par la correspondance entre Éon et le duc de Praslin, le duc de Nivernais, M. de Sainte Foy etc. Le succès de l’ouvrage est considérable et 1500 exemplaires s’écoulent en quelques semaines à Londres. Éon en tire une popularité inouïe mais déplait au duc de Nivernais qui n’apprécie pas que ses réflexions sur Guerchy soient rendues publiques. Le duc de Praslin est ulcéré que sa correspondance avec Nivernais apparaisse au grand jour. Éon cherche un soutien de la France et de ses amis qui l’avaient autrefois soutenu, mais rien ne vient. Éon adresse alors un ultimatum menaçant de divulguer les papiers secrets en sa possession. Le duc de Praslin envoie en Angleterre une vingtaine d’hommes de main chargés de s’emparer de Éon et de le ramener en France. Le témoignage de Vergy, à la solde de Guerchy, qui confesse que Guerchy a tenté d’empoisonner Éon, retourne la situation en faveur du chevalier. Guerchy menacé physiquement en Angleterre doit quitter Londres. Dès mai 1765, Louis XV renouvelle son soutien à Éon. Le 8 avril 1766, Praslin rend à son cousin le ministère des Affaires étrangères, et reçoit celui de la marine. Il est disgracié en 1770. Le terme « ami » parait donc bien curieux pour évoquer les rapports entre Éon et Praslin. Voir aussi Rey17731203, pour l’affaire Hugonet-Drouet.

3 Louis-Jules Mancini-Mazarini troisième et dernier duc de Nevers, duc de Nivernais (1716 -1798), petit-neveu de Mazarin et beau-frère du ministre de Maurepas. Il est élu à l'Académie française le 8 novembre 1742 à l'âge de 27 ans, devient ambassadeur à Rome en 1748, à Berlin en 1756, à Londres en 1762-1763. Il réclame la présence d’Éon auprès de lui en juin 1763, alors qu’Éon travaille secrètement sur le plan de débarquement en Angleterre voulu par Louis XV après la signature du traité de Paris. En 1787, Nivernais deviendra ministre d'État de Louis XVI.

4 À la date de cette lettre, Éon pense son retour en France proche ; sur les circonstances de ce retour, voir Rey17730617a et Rey17750705.

5 Éon fait allusion à ses déboires avec le comte de Guerchy. Cette phrase a des accents rousseauistes. Éon avait adressé une longue lettre à Rousseau, contraint à l’exil après la publication des Lettres écrites de la montagne (1765), accompagnant l’envoi d’ouvrages publiés lors de sa querelle avec Guerchy. Dans cette lettre, il faisait un parallèle entre sa situation avec celle de Rousseau et écrivait : « Hélas ! Mon cher Rousseau, mon ancien Confrère dans la Politique, mon maitre dans la litterature, Compagnon de mon infortune, vous qui, ainsi que moi, avés Eprouvé le Caprice et l'injustice de plusieurs de mes compatriotes, C'est à vous que je puis dire avec vérité que je n'aurois jamais osé, à l'Exemple de mes parens, servir le Roi et ma Patrie avec autant de zêle et d'amour que je l'ai fait, si j'eusse pû Croire que la Calomnie, le Poison et le Poignard deussent être à la fin toute la récompense de mes services et de mes blessures », Correspondance complète de Jean Jacques Rousseau: mars – juin 1766 , éd. R. A. Leigh , et al. Oxford, Voltaire Foundation, 1977, vol. 29, (Lettre 5140). Voir également Rey17731216, où Éon évoque son « ami Jean-Jacques ».