Pièce nº Rey17731203
Type | Lettre |
Identifiant | Rey17731203 |
Date de composition | 1773-12-03 |
Certitude sur la date | haute |
Date de réception | / |
Expéditeur | Rey, Marc Michel |
Destinataire | Éon, Charles de Beaumont d’ |
Lieu d'envoi | Amsterdam |
Lieu de réception | Londres |
Adresse | oui |
Lieu de conservation | Tonnerre, Médiathèque Ernest Cœurderoy |
Cote | T33 |
Cote (copie) | / |
Imprimé | / |
Edition | / |
Autographe | oui |
Signature | oui |
Renvois | / |
Incipit | J’ai adressé, Monsieur, le 22 nov. 1773 par Dunkerque une caisse à Mr. le duc de La Vallière |
R. le 16 Xbre 1773 en lui envoyant les lettres qu'il desire
Mr Michel à St Pétersbourg1 et M. Villiers2 à Berlin
J'ay adressé, Monsieur, le 22 novembre 1773 par Dunkerque3, une caisse à Mr le duc de la Vallière à Paris4 dans la quelle, j'ay inseré vos 3 exemplaires de Loisirs de D'Eon 8° 12 vol. cousus en attendant le 13eme qui ne sera terminé que dans la 8ne 5 au plus tot et je compte pouvoir les mettre en vante pour le 20 courant, j'ay crain le mauvais tems c'est ce qui m'a dessidé à expedier les 12 volumes en attendant.
J'ay prié le secrétaire de Mr le duc de la Vallière de me mander s'il vouloit expedier ces 3 exemplaires pour votre compte à Mr de Choiseul 6, au maréchal de Broglie 7, et pour Mr Drouet 8 ou s'il vouloit que je les fasse prendr chez lui tous à la fois afin de lui eviter l'embarras de les envoyer ? et j'attends réponse.
Dans la meme caisse, il y en a 1 pour Mr de Sartine 9,1 pour Mr Le Tourneur secrétaire de la librairie10, 1 pour Mr Marin 11, 1 pour Mr de Malesherbes 12, 2 pour le duc lui meme.
Comme la caisse est adressée à Mr de Sartine par ordre du Duc, je pense qu'on les laissera passer13, ce que le tems m'apprendra, j'ay pris cette voye comme la plus simple ayant quelques livres à expédier à ce seigneur.
Elmsly ne veut de votre ouvrage qu'en commission14. J'ecris par le courrier à Mr Becket pour lui proposer des exemplaires et je lui envoye un imprimé.
J'ay écrit à Mr Boudet à Paris pour le meme sujet. On pourra annoncer cet ouvrage dans les papiers publics et j'en ferai la dépense s'il est nécessaire.
[2] J'en adresserois volontier à Mr Michel à St Petersbourg si je croyois qu'il les vende, je ne connois pas les autres, mais voulés vous avoir la complaisance d'en écrire deux mots à Mr Michel je le lui proposerai aussi.
Pour Poser à Varsovie15, c'est un coquin, j'en ay des preuves depuis quelques années, j'ay des billets fait par lui-même, sur lui-même qu'il ne paye point et qu'il ne payera jamais.
Stockholm, Dantzic, Riga, BerlinHambourg, Francfort16 etc tirent très peu 6 exemplaires dans chacune de ces places feront peut etre tout.
Je perd cet année en banqueroutes de libraires à Stockholm, Coppenhague, Hambourg, f 12.000 : de Hollande qui en font bien 25.000 de France17.
Je suis sensible, Monsieur, à l'empressement que vous me témoignés pour déboucher cet article il faut absolument que Londres et la France fassent mon débouché, et s'il étoit nécessaire de me rendre à Londres à cet effet je le ferois ce mois cy ou le prochain, je n'y ay jamais été, je verrois la librairie de cette ville18 que je connois très peu
[3] Si les choses vont comme je le souhaite et comme j'ay lieu de l'esperer je compte embarquer pour Londres dans la 8ne à bord du vaisseau La Veuve Elisabeth capitaine Klaas Doorn 19.
Les 13 volumes de D'Eon, il y en aura un ballot pour vous, Monsieur, que j'adresserai à Mr Elmsly afin de vous le remettre; la derniere feuille de la Table générale doit être actuellement entre les mains du compositeur20
J'ay appris qu'on a réduit l'impôt sur les livres j'avois une requête prette et que j'aurois fait signer par une 50ne de libraires de ces provinces puis la presenter à LL.HH.PP 21 nous avons differé cet opperation jusques à ce que je voye notre Grand Pensionnaire22, notre Greffier23 et un couple d'autres personnes à meme de m'aider et me conduire à une bonne fin24
Si vous croyés, Monsieur, que Mr de Villiers veuille s'interesser au débouché faite moi l'amitié de m'envoyer une lettre pour lui et je la lui enverrai avec un exemplaire de votre part que je vous remplasserai volontier, n'ayant aucune raison pour le lui presenter moi-même
[4] Cette lettre, Monsieur, vous prouve que j'ay reçeu l'honneur de la votre du 18 novembre25 elle est arrivée aujourd'huy 3 décembre.
Je suis sans réserve tout à vous.
To the Chevalier d'Eon / at Mr Joseph Lautem / in Brower Street / Golden Square / London
Notes
1 Jean Michel (1721-1783) célèbre négociant de Saint-Pétersbourg, fils d'un ébéniste de Rouen, est élevé en Russie dans un milieu proche de la cour et assure des fonctions politiques en œuvrant pour le rapprochement entre la France et la Russie. Habile négociateur, il monte un commerce autour de la fourniture de tabac en affrètant des navires dans toute l'Europe dont Amsterdam. Éon dans le 5e tome des Loisirs (Amsterdam, Marc Michel Rey, 1774, 8°) consacré à la Russie écrit aux pages 135-136: « Je me suis utilement servi des talens de Messieurs Michel, Raimbert et Toullon, trois negocians françois de distinction, et mes amis particuliers, établis depuis plus de vingt-ans à Saint-Pétersbourg … ». Voir aussi Les Français en Russie au siècle des Lumières, dictionnaire des Français, Suisses, Wallons et autres francophones en Russie, de Pierre le Grand à Paul Ier , sous la direction de A. Mézin et V. Rjéoutski (Ferney-Voltaire : Centre international d'étude du XVIIIe siècle, 2011), s.v.
2 Isaïe [ou Esaïe] Villiers, fabricant de soie à Berlin installé dans le quartier Köpenick, voir Description des villes de Berlin et de Potsdam et de tout ce qu'elles contiennent de plus remarquable, ( Berlin, chez Fréderic Nicolai, 1769, 12°, p.423) ; Mémoires de l'Académie royale des Sciences et Belles-Lettres depuis l’avènement de Frédéric Guillaume III au trône, (Berlin, Georges Decker, 1807, p.46). Isaïe Villiers était en correspondance avec le chevalier d’Éon et semble l’avoir rencontré en 1758 lors de son voyage en Russie.
3 Le port de Dunkerque bénéficie au XVIIIe siècle d'une franchise commerciale. « les Anglais, …, se plaignent que des marchandises hollandaises sont introduites par Dunkerque comme anglaises et bénéficient ainsi du tarif préférentiel, car la franchise permet de déballer et remballer les objets importés, sans aucun contrôle », voir l'article très complet de J. Teneur, « Les Commerçants dunkerquois à la fin du XVIIIe siècle et les problèmes économiques de leur temps », Revue du Nord, tome 48, n°188, janvier-mars 1966, p. 17-49. Rey dès le 20 septembre 1758 mentionne, dans une lettre adressée à J.J. Rousseau, un envoi d'ouvrages par (Rey17580920).
4 Louis César de La Baume Le Blanc, duc de La Vallière (1708-1780), grand bibliophile auquel Rey envoie une caisse de livres dans laquelle il insère les exemplaires des Loisirs qui n'ont pas encore reçu d'approbations de la Chambre syndicale de Paris. Voir Rey177300818. Le duc attache momentanément à la garde de sa précieuse collection, l'Abbé Pierre-Jean Boudot (1689-1771), censeur royal et attaché à la Bibliothèque du Roi, puis Louis-François-Claude Marin (1721-1809), censeur royal et secrétaire général de la Librairie et à la fin de l'année 1768, La Vallière fait appel à l'abbé Joseph-Jean Rive (1730-1791) pour lui servir de bibliothécaire, ce dernier occupera cette fonction jusqu'à la mort du duc en 1780. Il est peut-être le secrétaire mentionné par Rey.
5 Sur le rythme d'impression du volume XIII des Loisirs, voir Rey17731210.
6 Étienne-François de Choiseul-Beaupré-Stainville, comte puis duc de Choiseul-(Stainville) (1758) et duc d'Amboise (1764), chef du gouvernement de Louis XV entre 1758 et 1770. Éon lui dédidace ses Loisirs. Voir Rey17710928b.
7 Victor-François, duc de Broglie (1718-1804), maréchal de France nommé depuis février 1771, gouverneur de Metz et du pays messin.
8 Il s'agit du nantais Jean Drouet né en 1723. Il se rend des 1742 à Saint-Domingue puis en Martinique, revient à Paris en 1747 où il fonde une maison de commerce, puis en 1751, il quitte de nouveau la France à destination de l'Europe de l'Est. Ses affaires paraissent avoir connu des fortunes diverses: échec en Prusse, succès en Saxe dans le commerce du tabac. Dans les faits, il semble avoir été un agent du roi de Saxe, revenant en France pour mener des négociations commerciales. En 1756, Drouet fait la connaissance, en Pologne du comte de Broglie, alors ambassadeur du roi de France et devient son secrétaire. Il occupe le poste de secrétaire diplomatique jusqu'en 1764, puis devient agent du « Secret » dont Broglie est devenu le « directeur ». Pendant plusieurs années, Drouet multiplie en Europe voyages et missions pour le compte de la diplomatie occulte; il lui appartient d'assurer la liaison entre Versailles et la province, où le comte de Broglie, officiellement disgracié, n'en continue pas moins à diriger le « Secret ». En janvier 1765, Hugonet, valet du chevalier d'Éon est arrêté à Calais en possession d'une lettre de Drouet dans laquelle on assure que le chevalier n'est pas oublié et que s'il agit avec sagesse il aura quelques subsides. Quelques jours plus tard, Drouet est également arreté. Le 3 février 1765, le duc de Praslin saisit le Conseil d'Etat au sujet de l'arrestation de Drouet, soupçonné, d'être compromis dans la querelle entre le chevalier d'Éon et Guerchy et cherche à connaître la vérité. Mais Louis XV, dans une lettre adressée à Tercier rapporte : « M. de Praslin a rapporté dimanche l'affaire du sieur Drouet; il persiste toujours à croire qu'il n'a pas dit tout à fait la vérité, et cela est un peu vray. Il subira encore un interrogatoire, et puis il sera mis hors de prison, à la fin de cette semaine. » E. Boutaric, Correspondance secrète inédite de Louis XV sur la politique étrangère avec le comte de Broglie, etc. (Paris, H. Plon, 1866, t. 1, p. 338). Peu après le comte de Brogie écrit au roi « … le sieur Drouet a connaissance de tous les secrets… j'ose représenter à votre Majesté qu'il me paraît aussi digne de sa générosité que de sa prévoyance de ne pas laisser sans aucune récompense les services de quelqu'un qui a eu l'honneur d'être admis dans ses affaires secrètes. », Correspondance secrète du comte de Broglie avec Louis XV, 1756-1774, publiée par Didier Ozanam et Michel Antoine (Paris, C. Klincksieck, 1956-1961, t. I, p.252). Drouet sera libéré rapidement, alors que Hugonet restera 30 mois en prison. Afin de l'écarter des affaires publiques, Drouet sera nommé député du bureau du commerce de Nantes. La biographie de ce personnage de la diplomatie secrète de Louis XV est connue par un mémoire rédigé par Drouet lui-même repris dans l'article de P. Manceron, « Le Nantais Jean Drouet, agent du secret du roi Louis XV (de 1759 à 1764) et député du Commerce de Nantes (de 1772 à 1791), petit-neveu du corsaire Cassard », in Bulletin de la société archéologique et historique de Nantes, t. 101, 1962, p. 103-123 ; voir aussi Maurice Quénet, « Un exemple de consultation dans l'administration monarchique au XVIIIe siècle », in Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, t. 85, n°3, 1978, p. 449-485.
9 Antoine de Sartine, comte d'Alby (1729-1801) est à la date de cette lettre, lieutenant général de police (1759–1774) et directeur de la librairie.
10 Pierre-Prime-Félicien Le Tourneur (1737-1788), censeur royal, secrétaire de la librairie et secrétaire ordinaire du Comte d'Artois, frère du roi (le futur Louis XVIII).
11 François-Louis Claude Marini, dit Marin (1721-1809), secrétaire général de la police de la librairie sous la direction de Sartine, il seconde Crébillon fils dans cette tâche.
12 Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes (1721-1794), premier président de la Cour des Aides (1750 à 1775), mais aussi directeur de la Librairie (1750-1763). Proche des milieux littéraires éclairés, il prône un allégement réglementaire et intellectuel de la censure dans son Mémoire sur la librairie (Paris, J. Agasse, 1809, voir l'édition donnée par R. Chartier, (Paris, Imprimerie nationale, 1994). Après la disgrâce de Choiseul (24 décembre 1770), le chancelier Maupeou procède entre le 19 et le 21 janvier 1771, à un véritable coup d'état, exilant les membres du Parlement de Paris, accusés de refus d'obéissance. La cour des Aides est supprimée le 9 avril 1771, alors que Malesherbes avait été exilé sur ses terres par lettre de cachet, le 6 avril. Il reste en exil d'avril 1771 à juin 1774 avant de reprendre sa charge sous Louis XVI. En 1758, la publication par Éon de ses Memoires pour servir à l'histoire générale des finances (Londres [Paris], Louis Pierre Mortier, à la Belle Image 1758, 2 vol. in-12) ; réédition en 1764, à Londres : De l'Imprimerie de Jacques Dixwell, 1764, 2 vol. in 8° sous le titre Considérations historiques et politiques sur les impôts des Egyptiens, des Babyloniens, des Perses, des Grecs, et sur les différentes situations financières de la France , par rapport aux finances , depuis l 'établissement Des Francs Dans la Gaule Jusqu' À présent, Ou memoires pour servir à l'histoire générale des finances. Par M. D'Éon de Beaumont, chevalier de l'ordre royal et militaire de St. Louis, capitaine de Dragons, censeur royal, ancien Aide-de-Camp de M M. le Maréchal Duc et Comte de Broglie et ministre plénipotentiaire de France auprés du roi de la Grande-Bretagne lui avait valu d’être nommé censeur royal pour l’Histoire et les Belles-Lettres alors que Malesherbes assurait la direction de la Librairie. Rey échange avec lui une quarantaine de lettres, essentiellement à propos de l'impression des ouvrages de J.J. Rousseau.
13 Rey souhaite obtenir l’autorisation de vendre les Loisirs en France. Il s’adresse directement à Sartines lieutenant général de police (1759–1774) et directeur de la librairie.
14 Le libraire londonien Peter Elmsley ne veut pas commander directement les Loisirs chez Rey et préfère la pratique des commissions. Ce système d’échange s’effectue sur des ouvrages de même valeur ou composés du même nombre de feuilles. C’est un moyen simple pour écouler une partie importante d’un tirage et, en contrepartie, obtenir un stock sans sortie de numéraire. Toutefois, ce système met souvent en difficulté les libraires qui peinent à obtenir le recouvrement de leurs créances. voir Dictionnaire encyclopédique du livre, sous la direction de Pascal Fouché, Daniel Péchoin et Philippe Schuwer (Paris, Éd. du Cercle de la librairie, 2002, t.1), s.v.
15 Jan August Poser (1738-1804) l'un des libraires et éditeurs les plus en vue à Varsovie, fournisseur de la bibliothèque du roi de Pologne Stanislas II Auguste.
16 On voit ici très bien le réseau européen de vente de Rey, véritable toile d’araignée de villes commerciales de l’Europe du Nord. Rey note cependant que le volume des commandes est très faible : 6 exemplaires par ville.
17 Voir Rey17720904 et Rey17730626b. Afin de protéger la librairie française, le conseil d’État établit par un arrêt du 11 septembre 1771, des droits prohibitifs sur l’entrée et le transit de livres étrangers en France, désorganisant les circuits commerciaux et provoquant la ruine du commerce de troc entre les libraires français et étrangers. En 1773, les livres étrangers payent un impôt de 28 livres par quintal pour l'entrée en France. Ces arrêts seront renforcés les 17 octobre 1773, 23 avril 1775, 25 août 1781.
18 Rey séjournera chez le libraire P. Elmsley : voir Rey17740227 et Rey17740330.
19 Ce navire, qui assure la liaison Londres-Amsterdam, et son capitaine, Klaas Doorn, sont fréquemment mentionnés dans la correspondance entre Rey et Éon sous le nom de Lady Elisabeth : voir Rey17730626b ; Rey17730810a ; Rey17730817.
20 Le volume XIII.
21 On donne à l’assemblée des états généraux des Provinces-Unies de Hollande le titre de Hauts et puissants seigneurs, et ils sont désignés dans les actes écrits, et dans les articles de journaux, par les lettres LL. HH. PP. (leurs hautes puissances).
22 Il s’agit de Pieter van Bleiswijk (2 août 1724 - 29 octobre 1790) grand Pensionnaire de Hollande du 1er décembre 1772 à novembre 1787. D’une grande famille de Deflt, il fait des études de droit mais soutient une thèse novatrice sur la stabilité hydrostatique des digues puis devient premier secrétaire de la Ville de Delft. Nommé grand Pensionnaire en 1772, il devient un farouche adversaire du duc Louis Ernest de Brunswick-Lunebourg, le principal conseiller du prince Guillaume V d'Orange ce qui entraîne une détérioration des relations entre les deux hommes. Il est déposé lors de l'invasion prussienne des Provinces-Unies en 1787 ; voir aussi Rey17730626b.
23 Henri Fagel (1706-1790), fils de Cornelis Gerrit Fagel, greffier général, voir Rey17730626b.
24 On constate que Rey est très influent au sein de la corporation des libraires et qu’il est aussi proche du pouvoir en Hollande. Voir Rey17730626b.
25 Cette lettre ne nous est pas parvenue.