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Pièce nº Rey17740330

Type Lettre
Identifiant Rey17740330
Date de composition 1774-03-30
Certitude sur la date haute
Date de réception /
Expéditeur Rey, Marc Michel
Destinataire Éon, Charles de Beaumont d’
Lieu d'envoi Amsterdam
Lieu de réception Londres
Adresse /
Lieu de conservation Tonnerre, Médiathèque Ernest Cœurderoy
Cote T41
Cote (copie) /
Imprimé /
Edition /
Autographe oui
Signature oui
Renvois /
Incipit J’ay trouvé, mon cher chevalier, beaucoup d’ouvrage à mon arrivée ici
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R. le 20 May 1774

J'ay trouvé, mon cher Chevalier, beaucoup d'ouvrage à mon arrivée ici1, ce qui m'a empêché de vous écrire plutot,

1° pour vous remercier de toutes les a bontés et politesse dont vous m'avés honoré pendant mon séjour à Londres, si je suis jamais à même de le reconnoître je vous assure que je m'en acquiterai avec plaisir.

2° je n'ay point encore été à même de travailler à la demande que vous m'avés faite; je le ferai au plutot et les ferai partir, je compte que se sera dans le mois prochain2,

3° le navire à bord duquel sont les manuscrits que vous m'avés remis vient d'arriver devant la ville, et je compte les recevoir chez moi sous peu de jours3.

4° notre magistrat4 a fait défendre les ouvrages de Mr de Morende 5 par déférence pour l'ambassadeur de France à la Haye6, je comptois en recevoir quelques exemplaires par Elmsly, mais jusqu'à aujourd'huy je n'en ay pas de nouvelles.

[2] J'ay eu une traversée heureuse, il m'est resté de cette course un vilain rhume qui me fatigue beaucoup, à cela près je suis très charmé d'avoir fait b le voyage de Londres, de vous connoître personnellement, Monsieur, et de vous donner en toute occasion des marques de mon parfait dévouement.

Je suis bien veritablement / mon cher Chevalier / votre très humble et très / obéissant serviteur.

Rey

Le 30 mars 1774

Je n'ay point de nouvelles de votre ami de Berlin7, Mr Michel 8 m'a répondu qu'il prendroit trois exemplaires.

Notes sur le manuscrit

a Mot écrit au-dessus de la ligne.

b Mot écrit au-dessus de la ligne.

Notes

1 Rey avait séjourné à Londres chez le chevalier d’Éon du 12 février au 28 février 1774, voir Rey17740227.

2 Éon avait passé à Rey une commande de 209 titres pour sa bibliothèque personnelle en échange de manuscrits. Voir Rey17740227 et Rey17740508.

3 Il s’agit des manuscrits confiés à Rey pour impression, voir Rey17740227.

4 Il s’agit peut-être de François Fagel, greffier adjoint des Etats-Généraux des Pays-Bas, voir Rey17731203.

5 Rey évoque ici Charles Theveneau, Théveneau ou Thevenot de Morande (1741-1805). Militaire, pamphlétaire puis journaliste, il est emprisonné à Paris par lettres de cachets à la demande de son père. Il se réfugie à Londres en 1769 et rédige un pamphlet autour d’anecdotes scandaleuses de la cour de France : Le Gazetier cuirassé, ou Anecdotes scandaleuses de la Cour de France, contenant des nouvelles politiques, apocryphes, secrètes, extraordinaires, imprimé à cent lieues de la Bastille, à l'Enseigne de la Liberté, ([Londres], 1771, 8°, numéros I-XII ; rééd., Londres, 1772, 8°). La même année, Morande publie deux «suites» à l'adresse de Londres qui seront, dès 1771, présentées à la suite du Gazetier : Mélanges confus sur des matières fort claires, par l'auteur du « Gazetier cuirassé», ([Londres] , Imprimé sous le soleil, [1771], 8°), et Le Philosophe cynique, pour servir de suite aux «Anecdotes scandaleuses de la Cour de France», «([Londres], Imprimé dans une Isle qui fait trembler la terre ferme [1771], 8°)». Le pamphlet, dénoncé par Voltaire, a un grand succès. Voir à ce sujet, Robert Darnton, Édition et sédition. L’univers de la littérature clandestine au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1991. Rey connait probablement l’implication de Éon dans l’affaire Morande, qui a peut-être été évoquée lors de sa visite à Londres du 14 au 28 février 1774 (Rey17740227). En juillet 1773, Éon avait été chargé par le comte de Broglie de contacter Morande et de découvrir combien coûterait le rachat des exemplaires d’un pamphlet que Morande menaçait de vendre, intitulé Les Mémoires secrets d'une femme publique, ou recherches sur les aventures de Mme la Comtesse du B*** depuis son berceau jusqu’à son lit d’honneur, [Londres, 1774]. Éon, ravi de cette mission, avait écrit au comte de Broglie le 13 juillet 1773 : « Je ne suis pas instruit que de Morande travaille à l’histoire scandaleuse de la famille du Barry, mais j’en ai de violents soupçons. Si l’ouvrage est réellement entrepris, personne n’est plus en état que moi de négocier sa remise avec le sieur de Morande.» dans Correspondance secrète inédite de Louis XV sur la politique ; éd. E. Boutaric, Paris, Plon, 1866, vol. 2, lettre 368, p. 357-358. Dans cette même lettre, Éon proposait 800 guinées pour le rachat du pamphlet. Éon, bourguignon comme Morande, était depuis quelques années déjà en rapport avec le libelliste qui lui servait d'indicateur et lui transmettait les nouvelles de la cour de France, comme le montrent les lettres entre les deux hommes conservées aux Archives nationales (cote 277AP dossier 1, 82 lettres signées de Morande). Le 18 août 1773, Broglie demandait pourtant à Éon de suspendre toutes les négociations mais de garder Morande sous surveillance. Alors que le duc d’Aiguillon tentait sans succès de faire enlever Morande par des hommes de mains, le pamphlétaire faisait monter la pression et annonçait dans des prospectus dispersés dans toute l’Europe la sortie de 6.000 exemplaires de l’ouvrage. En mars 1774, Morande se rend chez Éon ; deux inconnus se sont présentés chez lui pour acheter le libelle, mais ne souhaitent rien faire sans l’avis du chevalier d’Éon. Ce dernier, prudent refuse l’invitation. Quelques jours plus tard, Éon apprend que les deux émissaires sont le duc de Brancas, qui souhaite faire supprimer un libelle écrit par Morande contre lui, qu’il surnomme le comte de Bracassé, et Pierre Augustin Caron de Beaumarchais. En 1774, Beaumarchais qui vient d’être condamné lors de l’affaire Goëzman, cherche, en se rendant utile au roi, à regagner ses faveurs. Beaumarchais négocie et obtient que Morande reçoive, contre la destruction des Mémoires, 1 500 louis comptant et une rente viagère de 4000 livres. Morande devient alors l’agent de Beaumarchais à Londres. Le rôle d’Éon s’achève dans cette affaire lorsque Morande qui avait manqué mettre le feu aux maisons de Licoln square, vint lui demander comment faire disparaître les milliers d’exemplaires du pamphlet. Éon conseilla de louer un four à briques pour une nuit où brulèrent tous les exemplaires des Mémoires secrets d'une femme publique.

6 Il s’agit d’Emmanuel Marie Louis de Noailles (12 décembre 1743 - septembre 1822), marquis de Noailles et de Maintenon, puis Comte de Noailles et de l'Empire, ambassadeur auprès des États généraux des Provinces-Unies de 1771 à 1776.

7 Il s’agit certainement d’Isaïe Villiers, fabricant de soie à Berlin, voir Rey17731203.

8 Jean Michel, négociant à Saint-Pétersbourg, voir Rey17731203.